Action sur les racines et les feuilles. Quand récolter ?
Faut-il ou ne faut-il pas jardiner avec la lune lorsque l’on entreprend la création d’un jardin de plantes médicinales ? Si vous vous posez la question, j’espère vous apporter des réponses simples et pragmatiques.
C’est la fin août et les soirées commencent à se rafraîchir. Je déguste ma tisane de monarde, allongé sur le petit muret devant ma maison. Mon chat Pastis est à mes pieds, et comme tous les soirs il grignote les feuilles d’un de mes cataires en pot. Je n’essaye même plus de l’en dissuader, c’est peine perdue.
La lune est pleine, et je sais que ma nuit ne sera pas aussi réparatrice que d’habitude. Vous avez probablement entendu la réflexion suivante dans votre entourage :
« Si la lune influence les marées et nous empêche de bien dormir, il est normal qu’elle influence la croissance des plantes du jardin.«
Qu’en est-il en vérité ? Jardiner avec la lune est-il un phénomène médiatique ou une réalité du jardinier ?
Jardiner avec la lune : Ce que pensent les vieux jardiniers
J’ai fait un petit sondage autour de moi. La plupart des jardiniers expérimentés sont sceptiques. Ils avouent avoir essayé de jardiner avec la lune à un moment ou à un autre, puis ont abandonné après avoir observé des résultats non-concluants.
D’autres y trouvent leur compte en début de printemps seulement, lorsque la terre et le climat sont encore relativement froids et que les plantes ont un peu du mal à démarrer. Par contre, une fois que la terre s’est réchauffée et que le temps est plus clément, « tout pousse, quelles que soient la position et la forme de la lune » comme dirait un producteur avec qui j’ai récemment parlé.
Un petit groupe préfère rester prudent, pensant que « de toute façon, jardiner avec la lune, ça ne peut pas faire de mal« .
Mon opinion sur le jardinage avec la lune
J’ai moi aussi fait mes expérimentations. Et je vous dirais franchement, il y a bien des paramètres à optimiser avant de se pencher sur le calendrier lunaire :
- Une bonne terre, souple, riche et nourrie d’une manière naturelle ;
- Un bon processus de germination, avec le bon équipement, le bon arrosage, et surtout les bonnes méthodes de préparation des graines selon le besoin (stratification, scarification, etc) ;
- Un bon oeil et une bonne écoute de la plante lorsqu’elle s’est établie au jardin, une bonne présence au jardin.
Je reconnais aussi que nous rentrons dans une période où nous voulons nous rapprocher de la nature et de ses cycles. La lune a effectivement un pouvoir non négligeable sur les éléments, l’eau en particulier. Et l’eau est à la base de la vie dans le jardin.
Pour ceux qui veulent jardiner avec la lune, je vais donc donner mon avis, centré sur la culture des médicinales.
Mais je vous le répète, si vous débutez dans la culture des médicinales, rangez le calendrier lunaire pour l’instant et concentrez-vous sur les fondations du jardinage. Votre temps sera beaucoup mieux investi ainsi. Dans une deuxième phase, vous pourrez envisager de jardiner avec la lune.
La lune et ses cycles : action sur le jardin
Pour jardiner avec la lune, notre outil principal sera un calendrier lunaire. Vous en trouverez de nombreux gratuits sur internet, sur le site de Rustica par exemple. Par contre, ils seront un peu avares en information, alors que les payants sont beaucoup plus riches en conseils.
Sur ce calendrier, vous trouverez différentes informations qu’il faudra savoir interpréter. En voici une explication concise.
Lune croissante et lune décroissante
La lune croissante et décroissante est le phénomène plus connu des jardiniers, alors que la lune montante et descendante (que nous verrons plus bas) est beaucoup moins connue et reconnue.
Partons du point où la lune est nouvelle, c’est à dire lorsque l’on ne peut pas la voir dans le ciel. La nouvelle lune marque le début d’une lune croissante. La lune va croître jusqu’à la pleine lune.
A partir de la pleine lune, elle commence à décroître jusqu’à la prochaine nouvelle lune.
Pour récapituler, en utilisant les chiffres sur la photo ci-dessous :
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Lune croissante
En règle générale, les semis se feront en lune croissante. La croissance de la lune nous rappelle la croissance des graines. Idéalement, on fera les semis dans la matinée des journées de lune croissante.
L’exception à cette règle : si la plante médicinale est annuelle, qu’il fait déjà assez chaud, et que vous voulez éviter une montée en graines trop rapide. Dans ce cas là, on sèmera plutôt en lune décroissante (voir chapitre suivant).
Notez que nous parlons ici de la mise en terre de la graine. Les méthodes de stratification et de scarification présentées dans l’article sur la germination des graines doit se faire au préalable, et ne dépend pas du calendrier lunaire. On commencera par exemple la stratification à froid (si nécessaire) 2 mois avant la plantation, peu importe le jour du calendrier lunaire. Par contre, la mise en terre (après les 2 mois) sera basée sur le calendrier lunaire.
On en profitera aussi pour nettoyer et tailler les plantes pour lesquelles on veut stimuler la croissance, car il faut parfois rabattre une plante afin de la faire repartir d’une manière plus saine.
Lune décroissante
Pendant la phase décroissante, la vitalité de la plante va décroître. C’est une bonne période pour la nourrir et lui donner un coup de pouce, en grattant un peu de fumier ou de compost à son pied par exemple.
On en profitera aussi pour nettoyer et tailler les plantes pour lesquelles on veut freiner la croissance (un plant de cataire qui commence à envahir ses voisins par exemple).
On sèmera aussi les annuelles qui ne doivent pas monter en graines trop vite. Par exemple, si vous n’avez pas eu l’opportunité de planter votre lobelia (Lobelia inflata) ou votre bourse-à-pasteur (Capsella bursa-pastoris) à l’automne et que le printemps est déjà là, plantez en lune décroissante.
On utilise donc la lune décroissante pour freiner la vitalité de la plante, la lune croissante pour l’accélérer.
Lune montante et descendante
Au cours de son cycle, la lune change de position dans le ciel par rapport à la ligne d’horizon. Regardez la lune tous les soirs à la même heure, et repérez à peu près sa position par rapport à l’horizon.
Lorsqu’elle se déplace vers le haut d’une nuit à l’autre, elle est montante. Si elle se déplace vers le bas, elle est descendante.
Lune montante
La lune montante fait monter l’énergie et la sève vers les parties aériennes de la plante. C’est une bonne période pour faire les semis des plantes qui produiront dans la partie aérienne.
Si vous voulez encourager la plante à accomplir la plupart de sa croissance dans ses parties aériennes, vous transplanterez les jeunes plants de médicinales en lune croissante. Par exemple, les jeunes plants de mélisse, cataire et gattilier seront transplantés pendant cette période.
Si les parties actives de vos plantes médicinales sont les parties aériennes, vous couperez et ramasserez en lune montante, car l’énergie de la plante sera dans les parties hors du sol.
Lune descendante
La lune descendante fait descendre l’énergie et la sève vers les racines de la plante. C’est une bonne période pour faire les semis des plantes qui produiront dans la racine.
Si vous voulez encourager la plante à accomplir la plupart de sa croissance dans ses racines, vous transplanterez les jeunes plants de médicinales en lune croissante. Par exemple, les jeunes plants de réglisse ou de sauge miltiorrhiza seront transplantés pendant cette période.
Si les parties actives de vos plantes médicinales sont les racines, vous ramasserez en lune descendante, car l’énergie de la plante sera dans les racines.
Les tailles seront mieux supportées en lune descendante, vu que la sève se retrouve plutôt dans les racines. Les transplantations et déplacements de plantes au jardin seront aussi mieux tolérés.
Le calendrier lunaire et le jardinage
Si vous êtes confus, ne vous inquiétez pas, c’est normal. Jardiner avec la lune n’est pas si simple que cela. Les choses se recoupent entre montant/croissant et descendant/décroissant. Et les experts ne sont pas forcément d’accord sur ce qu’il faut faire et quand.
Le mieux est de ne pas essayer de trop interpréter les choses et de se fier à un calendrier lunaire, qui intégrera toutes ces informations pour vous et vous fournira des petits icônes et indices pour savoir que faire au jardin pour un jour particulier.
Le calendrier est essentiellement fait pour les plantes du potager et les fleurs. Pour les plantes médicinales, essayez d’extrapoler les informations du calendrier :
- Nous avons la distinction plante annuelle / plante vivace dans les médicinales. Le calendrier vous dira par exemple « plantez les annuelles à feuillage ».
- Nous avons la distinction parties aériennes/racines dans les médicinales. Le calendrier vous dira par exemple quand planter bulbes et légumes racines.
- Certains calendriers parlent des plantes aromatiques pour les semis, transplantation et récolte. Utilisez cette information. Par exemple, « plantez les salvias et les autres fleurs de soleil. »
Jardiner avec la lune : oui mais surtout du bon sens !
Comme je l’ai dit auparavant, faites preuve de bon sens. Les premières années, concentrez-vous sur les bases d’un bon jardinage. Équipez-vous bien. Trouvez-vous une petite serre si nécessaire. Concentrez-vous sur l’irrigation. Procurez-vous du bon fumier, faites votre compost.
Pour moi, ces choses simples passent bien avant jardiner avec la lune. Et si vous avez ces conditions en place, je vous assure que vos plantes médicinales pousseront, quelle que soit la position de la lune.
De plus, même avec le calendrier lunaire en main, je choisis bien plus volontiers un ciel un peu couvert et une température un peu fraîche pour transplanter en pleine terre plutôt qu’un jour lunaire optimal avec un soleil de plomb. Car je le sais, dans le deuxième cas, les plantes souffriront et mettront beaucoup plus de temps à rattraper leur retard.
Mais il est vrai qu’une fois l’expérience de base acquise, jardiner avec la lune pourra éventuellement vous servir à optimiser vos semis, bouturages, transplantations et récoltes.